09/06/2017
Où divorcer ?
Droit des personnes & droit familial
Un article de Maître Balthazar Géraldine.
(TPI du Brabant Wallon, jugement du 29 mars 2017, inédit, RG. 17/2310)
I. Les faits :
Deux belges, expatriés en France, décident de divorcer, dans un climat très tendu.
Monsieur, qui avait conservé son domicile en Belgique, décide d’introduire la procédure en divorce, mais en divorce seulement, devant les juridictions belges, quelque mois avant que Madame n’introduise elle-même une procédure en divorce et mesures devant les juridictions françaises du lieu du dernier domicile conjugal des parties.
Le juge français refuse de statuer, se retranchant derrière la compétence du juge saisi prioritairement, et monsieur invoque devant les juridictions belges l’article 3 du règlement CE n° 4/2009 du 18 décembre 2008, prévoyant qu’est seul compétent le juge du lieu de résidence du défendeur ou créancier d’aliments, soit les juridictions françaises.
Madame se retrouvait donc confrontée à deux procédures distinctes, où elle risquait de voir sa demande relative aux enfants et aux aliments renvoyée de part et d’autre de la frontière
II. Les principes :
2.1. Le lieu de la procédure en divorce :
Avant toute chose, il convient d’être très clair sur un point, souvent méconnu des parties, qui concerne le lieu du divorce.
En effet, les ressortissants d’un Etat signataire du Règlement dit Bruxelles IIbis (dont ici la France et la Belgique), peuvent divorcer devant les juridictions belges, pour autant qu’elles soient toutes les deux de nationalité belge.
Ceci résulte de l’application de l’article 3. 1.b) du Règlement dit Bruxelles IIbis.
Il en résulte que deux époux de même nationalité, qui vivent à l’étranger depuis des années et qui ont tous leurs liens avec des pays autres que la Belgique, peuvent néanmoins décider à tout moment de mandater un conseil en Belgique, pour que celui-ci introduise de façon tout à fait valable la procédure ici en Belgique.
Connaissant la jurisprudence très restrictive en matière de pension alimentaire après divorce (article 301 du Code civil), au regard de la même jurisprudence française ( plus favorable à madame), cette possibilité doit être bien considérée par des parties avant de décider devant quel tribunal porter leur demande.
2.2. L’imbrioglio procédural :
Comme on l’a indiqué, madame était confrontée d’une part à un juge français qui se déclarait incompétent pour statuer sur les mesures relatives aux enfants et aux aliments, puisqu’il n’était pas saisi du divorce, et, d’autre part, à une demande de monsieur de voir renvoyer l’affaire devant les juridictions françaises puisqu’il s’agissait là d’une juste application des règles en vigueur, et tout particulièrement de l’article 3 du Règlement CE n° 4/2009 qui prévoit qu’est compétent le juge du lieu de résidence du défendeur ou du créancier d’aliments.
En l’espèce, le Tribunal, à juste titre, s’est certes référé au Règlement Bruxelles IIbis, mais a déclaré se référer aux articles 9, 10, 12 et 13 dudit Règlement, prévoyant des règles de prorogation et d’extension de compétence pour se déclarer compétent.
Le Tribunal indique notamment qu’il en est de l’intérêt supérieur des enfants et ce d’autant que tout vide juridique leur serait hautement préjudiciable.
III. En conclusion :
La conclusion est double :
D’une part, deux ressortissants belges peuvent à tout moment décider de divorcer devant les juridictions belges même si leur nationalité commune est le seul lien les rattachant encore à la Belgique.
D’autre part, l’introduction du divorce rendra également le même juge compétent pour statuer sur les mesures annexes, comme par exemple l’hébergement des enfants, les aliments dus, bref, ce que l’on appelle communément les mesures réputées urgentes.
Ces points doivent donc être considérés avec une attention particulière et un examen attentif de la jurisprudence des autres juridictions également compétentes.
Ainsi, on l’a dit, les juridictions françaises semblent majoritairement plus « généreuses » avec la pension alimentaire de l’épouse divorcée que ne le sont les juridictions belges.
Bref, le choix du lieu du divorce devrait faire l’objet d’autant de réflexion que ne l’est le lieu choisi par les parties pour leur mariage….