24/03/2020
Crise du Coronavirus et gestion du personnel : après le 30 juin, le néant ?
Droit social, droit du travail

1. Introduction
· Chaque belge doit se réorganiser rapidement, que ce soit sur le plan privé ou professionnel ;
· Chaque entreprise a dû, lors de cette première semaine de confinement, prendre des décisions notamment concernant le sort de son personnel.
Personne ne sait réellement combien de temps durera cette crise ni quels changements éventuels elle imprimera dans notre Société et les entreprises.
Toutefois, sans vouloir paraître de mauvais augure, à cette crise sanitaire « historique », suivront probablement une crise économique et ensuite une crise sociale ….
Dès lors, ce qui parait certain est que les décisions que les entreprises prendront (ou non) dès à présent les affecteront positivement ou négativement pour de (nombreux) mois à venir.
Et ce également au niveau de la gestion du personnel.
2. Tout d’abord, parer au plus pressé !
· Chômage économique, principalement pour les ouvriers ;
· Chômage pour force majeure pour les employés.
Ces deux leviers permettent (i) de ne pas licencier le personnel (et donc d’éviter le décaissement d’une indemnité de rupture ou le paiement de la rémunération durant la période de préavis), (ii) de juguler totalement le coût du personnel et (iii) assurent aux travailleurs un filet de sécurité financier.
Les écueils étaient que ces outils constituent autant de bases juridiques différentes avec leurs conditions d’application propres ; pour résumer :
· Si le chômage économique est quasi automatique pour les ouvriers, il ne l’est pas du tout pour les employés. La mise en chômage économique des employés implique en effet notamment d’effectuer certaines formalités auprès du SPF Emploi afin d’obtenir l’autorisation de procéder de la sorte ;
· Le chômage pour force majeure, implique en principe la reconnaissance du fameux « cas de force majeure » par l’Onem pour pouvoir être actionné, ce qui n’est en principe pas si évident.
Face à ces écueils, le gouvernement et l’administration, ayant bien compris depuis la crise de 2008 que ces filets "belges" étaient primordiaux pour bons nombres de citoyens et d‘entreprises, ont pris une série de mesure pour faciliter l’usage de ces outils, et notamment :
· Reconnaissance officielle de la crise du Coronavirus en tant que cas de force majeure ;
· CCT intersectorielle facilitant la mise en chômage économique des employés (CCT 147) ;
· Simplification administrative et « fusion » de ces outils en un seul cas de chômage temporaire : celui de la force majeure.
Si parer au plus pressé et les décisions politique / administratives qui s’en sont suivies étaient salutaires, tout ceci ne règle cependant, actuellement, la situation qu’au maximum jusqu’au 30 juin 2020.
3. Ensuite, élargir la vision
Si les nécessaires mesures visées ci-dessus devraient prendre fin au 30 juin prochain (et même à une date ultérieure), les conséquences de cette crise se feront malheureusement encore ressentir durant des mois (même si personne ne l’espère).
Il faut dès lors pouvoir anticiper dès maintenant et déjà mettre en place les leviers qui pourront être actionnés au besoin lorsque les mesures temporaires prendront fin.
La liste des leviers ci-dessous n’a évidemment pas vocation être exhaustive, mais vise à donner – dans les grandes lignes - des pistes pour la suite des opérations :
1. Procédure d’autorisation de mise au chômage économique des employés
Il ne s’agit pas ici de la procédure simplifiée d’autorisation mise en place par les partenaires sociaux le temps de la crise (CCT 147), mais bien de la procédure classique d’application avant celle-ci. Elle permettra dès lors d’utiliser le chômage économique pour les employés après le 30 juin 2020.
Il faudra pour ce faire effectuer une demande au SPF Emploi soit sur base d’une CCT d’entreprise soit sur base d’un plan d‘entreprise dont le modèle peut être trouvé sur le site du même SPF. Les conditions à démontrer (généralement au moyen des déclarations TVA) sont – pour simplifier - une perte du chiffre d’affaire ou des commandes d’au moins 10% par rapport aux résultats passés.
Il s’agit ici d’une bonne carte à avoir dans son jeu, même si elle n’est finalement pas abattue.
2. Introduire la petite flexibilité dans l’entreprise
Pour rappel, la petite flexibilité permet d’augmenter la durée hebdomadaire de travail de 5 heures, sans sursalaire, pour autant que la durée de travail « normale » soit respectée sur une base annuelle.
En d’autres termes, pour un temps plein de 38 heures / semaine, la petite flexibilité permet d’occuper ce travailleur à concurrence de 43 heures par semaine, sans sursalaire et pour une même rémunération.
La contrepartie est que durant certaines semaines, le travailleur devra être occupé moins que 38 heures, pour une même rémunération, et ce afin pour qu’au terme de l’année civile, il ait été occupé en moyenne 38 heures par semaine.
Pour l’introduire, il faut une modification du règlement de travail, ce qui peut être effectué assez rapidement (15 jours d’affichage) dans les sociétés sans représentants syndicaux.
Ce levier pourrait être utile si la reprise devait se faire en douceur avant de s’accélérer éventuellement d’ici 5-6 mois.
3. Dérogations sectorielles en matière de durée du travail
Certaines commissions paritaires prévoient, à l’image de la petite flexibilité ci-avant, des dérogations aux limites habituelles à la durée du travail (certaines CP permettent de « monter » jusqu’à 50 heures semaines sans sursalaire …).
Le principe est donc le même que la petite flexibilité : augmenter la durée du travail en compensant avec des plages réduites de travail, en octroyant la même rémunération.
Les différents horaires doivent toutefois être prévus dans le règlement de travail …
4. Temps partiel, suspension temporaire à temps partiel de la carrière
Il peut aussi être envisagé de convenir avec les collaborateurs de réduire, pour une durée déterminée, la durée hebdomadaire de travail.
De même, pourquoi ne pas aiguiller certains collaborateurs vers les hypothèses de suspension à temps partiel de leur carrière ?
Ceci dans un objectif de réduire temporairement les coûts de la société tout en conservant les forces vives de l’entreprise.
5. Epargner les télétravailleurs confinés !
Le confinement implique l’usage presque généralisé du télétravail.
Toutefois, télétravail et fermeture des écoles implique de facto que dans le même environnement une même personne doit en même temps être un travailleur et un parent (surtout en cas de jeunes enfants).
Il ne faut pas être grand clerc pour envisager que cette situation va créer une tension sur ces travailleurs/parents (encore plus si le travailleur est actif dans les nombreux comités de crise mis sur pied).
Le risque pour ces derniers est que le retour à la normale corresponde à une « décompensation », impliquant dès lors des périodes d’incapacité de travail. Or, ce sont éventuellement les collaborateurs des départements clés qui auront été maintenus au travail durant ce confinement ….
Ici aussi, pourquoi ne pas envisager du chômage temporaire partiel pour ces télétravailleurs/parents confinés ou une réduction pour une durée déterminée de leur charge de travail hebdomadaire ?
4. Conclusions
Après cette tempête sanitaire, qui est loin d’être finie, viendra plus que probablement la tornade économique. A cet égard, « demain c’est maintenant » dit la chanson, et ce n’est pas tout à fait faux.
Des options existent donc afin d’essayer de ménager tant la trésorerie des sociétés que son « capital humain » qui sera nécessaire au moment de la reprise ; autant les envisager dès à présent … car After the rain comes the sun !