13/10/2019
Le juge face à l’érotisme
Propriété intellectuelle, technologies de l’information & de la communication, presse et audiovisuel, artistes
Nous abordions dans une précédente chronique la question du droit à l’image des stars constituant le sujet d’œuvres d’art. Pourtant, nul besoin d’être très connu pour être confronté à la diffusion de son image, parfois dénudée et/ou apparaissant lors de relations sexuelles.
Evidemment, toute photo ou vidéo n’est pas une œuvre d’art mais le sujet mérite d’être examiné. Les cas de captations d’images sont de plus en plus fréquents avec le développement des technologies et la facilité de les diffuser à grande échelle par internet, ce qui engendre des dérives graves de type « revenge porn ». Il est donc essentiel de distinguer toutes les hypothèses qui, pour certaines, sont loin de toutes démarches artistiques.
Professionnels de l’érotisme
Le cas d’un modèle posant devant l’objectif d’un photographe spécialisé dans la réalisation d’œuvres érotiques implique d’appliquer les principes de base du droit à l’image. Le modèle doit consentir à la captation de son image (le cas échéant de manière tacite), et marquer son accord quant à la diffusion de l’œuvre.
Dans la pratique, les travailleurs/euses du sexe sont également concernés/ées par ces principes généraux... Dans ce cas de figure, n’en déplaise au client, la captation de l’image est souvent un service payant, de manière additionnelle à la prestation sensu stricto. Dans ce cas, il suffit de clarifier ce que le modèle accepte que soit fait de son image pour éviter toute difficulté.
Mais qu’en est-il dans le cadre d’une captation sans accord du modèle, ou faite avec son accord mais dans un cadre strictement privé ou encore lorsque le visage n’est pas reconnaissable mais bien certaines parties du corps plus ou moins intimes.
Pas de visage – pas de droit à l’image ?
Le modèle, quelle que soit finalement l’origine de l’image, a-t-il toujours un droit à l’image, même lorsque son visage n’apparait pas ?
La réponse dépend de chaque cas d’espèce. En effet, le modèle peut potentiellement revendiquer un droit à l’image lors de la captation photographique d’une partie du corps, et ce même si son visage n’apparaît pas. Le critère généralement retenu par le juge est le fait que la partie du corps concernée puisse être reconnue par les proches du modèle.
Les cas d’application sont infinis ! Le plus modeste cliché amateur diffusé sur internet – avec ou sans malice – permettant au destinataire de l’image de reconnaître la personne qui pose implique une protection du modèle l’autorisant à s’opposer à cette utilisation litigieuse. Il en serait de même d’une prostituée occasionnelle qui apparaîtrait sur le site d’un bar où elle aurait pratiqué par le passé, sans que son époux ne soit au courant.
Dans ces cas de figures, le modèle serait en droit de demander à tout le moins le retrait de l’image, voire des dommages et intérêts le cas échéant.
Œuvres d’art érotiques vs cadre privé
Le cas d’une œuvre d’art érotique implique de respecter ces principes. Le photographe prudent aura donc prévu de faire signer un document aux personnes apparaissant sur les images, même si le visage n’est pas visible. Il est donc raisonnablement possible d’éviter des difficultés en la matière dans un cadre professionnel.
Malheureusement, l’évolution de la société nous impose de devoir aborder d’autres hypothèses qui nous emmènent loin du secteur culturel. La captation dans un cadre privé d’images érotiques, voire pornographiques, qui sont ensuite diffusées sans l’accord du modèle amène à appliquer une multitude de bases juridiques pour permettre à la victime d’agir. Outre l’atteinte à son image, elle pourrait revendiquer une atteinte à sa vie privée ou encore mettre en œuvre le droit à l’oubli à l’égard des sites sur lesquels elle apparaitrait malgré elle.
Dans le cas du revenge porn, une action pénale serait même envisageable avec, le cas échéant, le paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral évident subi par la victime.
(image Source : Shutterstock.)